dimanche 27 septembre 2009

Sages-femmes à contre-emploi


Dans mon billet précédent, j’ai survolé les données bibliques quant au métier de la sage-femme. Nous avons vu que les sages-femmes ne sont pas présentes dans la Bible, en dehors des deux premiers livres du Pentateuque.

Pour prolonger cette réflexion, j’ai consulté des écrits « autour de la Bible ». En ce qui concerne les livres intertestamentaires, je n’ai pas trouvé de références aux sages-femmes. En revanche, dans les livres apocryphes chrétiens (utilement rassemblés dans deux tomes de la Pléiade), les sages-femmes sont assez présentes. Pourquoi ?

Leur présence est liée à la grande place que ces auteurs accordent à certains aspects de la nativité sur lesquels les auteurs bibliques passent rapidement ou qu'ils ignorent totalement.

J’ai trouvé deux catégories de textes. Les premiers suggèrent que non seulement la conception mais aussi l’accouchement de Jésus étaient miraculeux. A ce titre, il s’est passé sans la moindre difficulté.

Le fait que Marie ait accouché sans l’aide d’une sage-femme est indirectement affirmé dans l’Ascension d’Isaïe. L’absence de sage-femme sert d’argument aux incrédules pour contester la naissance de Jésus :

Mais une rumeur se répandit à Bethléem au sujet de l’enfant. I1 y en avait qui disaient : « La vierge Marie a enfanté, alors qu’il n’y avait pas deux mois qu’elle était mariée » ; et beaucoup disaient : « Elle n’a pas enfanté, et il n’est pas monté de sage-femme, et nous n’avons pas entendu les cris des douleurs. » Et ils étaient tous aveugles au sujet de l’enfant, et tous, ils ne croyaient pas en lui, et ils ne savaient pas d’où il était. (Asc. Is. 11.12-14 ; traduction par Enrico Norelli)

Un texte curieux se trouve dans les Actes de l’apôtre Pierre et de Simon. L’apôtre Pierre y cite un certain nombre de prophéties au sujet du Christ, dont quelques-unes proviennent des textes canoniques. Ce n’est pas le cas de celle qui évoque une sage-femme :

un autre prophète dit l’honneur fait à sa mère : « Nous n’avons pas entendu ses cris et la sage-femme n’est pas intervenue. » (Ac Pierre 24.5 ; traduction de Gérard Poupon)

Le Protévangile de Jacques contient le passage le plus explicite à cet égard. Ce texte, le plus ancien des « Evangiles de l’enfance de Jésus » a connu une grande diffusion et a durablement marqué la piété de l’Eglise ancienne. Dans le Protévangile, on trouve le passage suivant :

Et [Joseph] trouva là une grotte, y introduisit [Marie], mit près d’elle ses fils et sortit chercher une sage-femme juive dans la région de Bethléem. […] Et je [NB : c’est Joseph qui parle] vis une femme qui descendait de la montagne, et elle me dit : « Homme, où vas-tu ? » Et je dis : « Je cherche une sage-femme juive. » Et en me répondant elle dit : « Es-tu d’Israël ? » Et je lui dis : « Oui. » Elle dit : « Et qui est celle qui va enfanter dans la grotte ? » Et je lui dis: « Celle qui m’est fiancée. » Et elle me dit: « Ce n’est pas ta femme ? » Et je lui dis : « C’est Marie, celle qui a été élevée dans le Temple du Seigneur. J’ai été désigné par le sort pour la recevoir comme femme ; elle n’est pourtant pas ma femme, mais elle a un fruit conçu de l’Esprit Saint. » Et la sage-femme dit : « Cela est-il vrai ? » Et Joseph dit : « Viens voir. »`

Et elle partit avec lui et ils se tinrent à l’endroit de la grotte. Et une nuée lumineuse couvrait la grotte. Et la sage-femme dit : « Mon âme a été exaltée aujourd’hui, parce que aujourd’hui mes yeux ont vu des choses extraordinaires : le salut est né pour Israël. » Et aussitôt la nuée se retira de la grotte et une grande lumière apparut dans la grotte, au point que les yeux ne pouvaient la supporter. Et, peu à peu, cette lumière se retirait jusqu’à ce qu’apparût un nouveau-né ; et il vint prendre le sein de sa mère Marie. Et la sage-femme poussa un cri et dit: « Qu’il est grand pour moi, le jour d’aujourd’hui : j’ai vu cette merveille inédite. » Et la sage-femme sortit de la grotte, et Salomé la rencontra. Et elle lui dit : « Salomé, Salomé, j’ai une merveille inédite à te raconter : une vierge a enfanté, ce que pourtant sa nature ne permet pas. » Et Salomé dit : « Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si je n’y mets pas mon doigt et n’examine sa nature, je ne croirai nullement qu’une vierge ait enfanté. » Et la sage-femme entra et dit : « Marie, dispose-toi ; car ce n’est pas un petit débat qui se présente à ton sujet ». Et Marie, ayant entendu cela, se disposa. Et Salomé mit son doigt dans sa nature. Et Salomé poussa un cri et dit: « Malheur à mon iniquité et à mon incrédulité, parce que j’ai tenté le Dieu vivant. Et voici que ma main, dévorée par le feu, se retranche de moi. » Et Salomé fléchit les genoux devant le Maître, disant : « Dieu de mes pères, souviens-toi de moi : je suis de la descendance d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Ne me livre pas en exemple aux fils d’Israël, mais rends-moi aux pauvres. Car tu sais, Maître, que j’ai prodigué les soins en ton nom et que, mon salaire, je le recevais de toi. » Et voici qu’un ange du Seigneur se tint devant elle, lui disant : « Salomé, Salomé, le Maître de toutes choses a exaucé ta prière. Approche ta main de l’enfant et prends-le dans tes bras, et il sera pour toi salut et joie. » Et, pleine de joie, Salomé avança vers l’enfant et le prit dans ses bras, disant : « Je l’adorerai, car c’est lui qui est né roi pour Israël. » Et aussitôt Salomé fut guérie et elle sortit justifiée de la grotte. Et voici qu’une voix dit: « Salomé, Salomé, n’annonce pas les choses extraordinaires que tu as vues jusqu’à ce que l’enfant soit ailé à Jérusalem. » (Protév Jc 18.1-20.4 ; traduction d’Albert Frey)

Ici, Joseph fait appel à une sage-femme, mais assistance de celle-ci s’avère inutile. En effet, la naissance se fait sans intervention humaine. La sage-femme ne s’éclipse pas pour autant ; c’est elle qui entraîne Salomé, une sorte de Thomas au féminin, dans une entreprise périlleuse. Salomé vérifiera la virginité de Marie (post délivrance s’entend !), ce qui faillit lui coûter sa main. Mais finalement, sa prière, appuyée par ses bonnes œuvres, est exaucée, et sa main guérie. Cet événement est repris dans l’Evangile du Pseudo-Matthieu (13.2-5) qui précise le nom de la première femme, Zahel, et identifie Salomé comme étant elle-même une sage-femme.

D’ailleurs, nous retrouvons Salomé dans l’apocryphe Histoire de Joseph le charpentier ; elle y accompagne Joseph, Marie et Jésus dans leur exile égyptien. (8.3)

Le Protévangile de Jacques nous introduit à un deuxième aspect qui est associé aux sages-femmes dans les textes apocryphes : la vérification de la virginité de Marie. Il est vrai que dans le Protévangile, c’est Salomé qui effectue cette mission, alors qu’elle n’est pas formellement identifiée comme sage-femme.

Cette même mission est clairement confiée à des sages-femmes dans un dernier texte apocryphe, Sur le sacerdoce du Christ. Dans ce texte, Marie est interrogée par des prêtres sur la conception et l’enfantement de Jésus, notamment en vue de son inscription comme membre de la lignée de Lévi, qui nécessite la mention de son père. Elle dit être vierge tout en ayant enfanté, puis elle propose de produire en guise de témoignage naturel le sceau de [sa] virginité ». Puis le texte poursuit :

… [Marie] s’en tint fermement à ses précédentes affirmations et dit à nouveau : « Comme je l’ai dit, je ne connais pas d’homme. Faites donc ce qui vous semble bon. » Alors, après avoir longuement délibéré, ils firent venir des sages-femmes et firent procéder à un examen complet et à une recherche minutieuse ; ils découvrirent qu’elle était vraiment vierge. (Sac. Chr. 26 ; traduction de Flavio G. Nuvolone)

En résumé, si les textes apocryphes s’intéressent davantage aux sages-femmes, c’est parce qu’ils sont particulièrement fascinés (pour ne pas dire obsédés) par la mise au monde de Jésus et la virginité de Marie. En d’autres termes, les sages-femmes y apparaissent comme à contre-emploi : pour témoigner d’un accouchement qui se fait sans elles et pour mettre en évidence la virginité post-natale de Marie.

vendredi 25 septembre 2009

Métiers bibliques : sage-femme


La sage-femme fait partie des métiers qui apparaissent discrètement dans la Bible. A vrai dire, il n’en est question que dans les deux premiers livres de l’AT. Le mot traduit par sage-femme (מְיַלֶּדֶת) est un participe de la forme verbale signifiant aider à accoucher. La sage-femme est donc littéralement celle qui aide à accoucher.

La première sage-femme qui apparaît dans les textes reste anonyme. Elle aidera Rachel à donner naissance à Benjamin et l’encourage :

Pendant les douleurs de l’accouchement, la sage-femme lui dit : « N’aie pas peur, tu as encore un fils ! » (Gn 35.17)

Cette parole un peu énigmatique semble se fonder sur le fait qu’en lui donnant un deuxième fils, Dieu a exaucé la prière de Rachel (Gn 30.24). Celle-ci ne pourra cependant pas s’en réjouir, car elle meurt des suites de cet accouchement.

Un peu plus loin dans la Genèse, nous rencontrons une autre sage-femme lors de la naissance des jumeaux que Tamar a eus avec son beau-père Juda. On y lit : 

Pendant l’accouchement il y en eut un qui présenta la main; la sage-femme la saisit et y attacha un fil écarlate en disant : « Celui-ci est sorti le premier. » Mais il retira la main, et son frère sortit. Alors la sage-femme dit : « Quelle brèche tu t’es ouverte ! » Et il l’appela du nom de Pérets (« Brèche »). (Gn 38.28s)

Là encore, la sage-femme – anonyme – prononce une parole lourde de sens, et elle se trouve même à l’origine du prénom d’un des enfants.

Le troisième et dernier texte biblique évoquant les sages-femmes est en même temps le plus connu. Il nous raconte l’histoire de deux femmes courageuses, et cette fois-ci nous connaissons même leurs noms. 

Le roi d’Egypte parla aussi aux sages-femmes des Hébreux – l’une se nommait Shiphra et l’autre Poua. Il leur dit : « Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur les sièges, si c’est un garçon, faites-le mourir ; si c’est une fille, qu’elle vive. » Mais les sages-femmes craignirent Dieu ; elles ne firent pas ce que leur avait dit le roi d’Egypte; elles laissèrent vivre les enfants. Le roi d’Egypte appela les sages-femmes et leur dit : « Pourquoi avez-vous agi ainsi ? Pourquoi avez-vous laissé vivre les enfants ? » Les sages-femmes répondirent au pharaon : « C’est que les femmes des Hébreux ne sont pas comme les Egyptiennes ; comme elles sont pleines de vie, elles accouchent avant l’arrivée de la sage-femme. » Dieu fit du bien aux sages-femmes; le peuple se multiplia et devint très fort. Parce que les sages-femmes avaient craint Dieu, il leur donna une famille. (Ex 1:15-21)

Comme le suggère Abraham Ibn Ezra, ces deux femmes admirables sont probablement les surveillantes des sages-femmes des Israélites, car on imagine mal que deux femmes auraient suffi pour s’occuper d’une population aussi importante.

D’ailleurs, le terme traduit ici par sièges (אֲבְנָיִם), littéralement « deux pierres », nous renseigne probablement sur des techniques d’accouchement en usage à l’époque. Il semblerait que les femmes accouchaient appuyées sur des paires de briques.

Curieusement, ce sont les dernières sages-femmes que nous croisons dans la Bible. Il y a toutefois des textes qui nous renseignent sur les tâches qu’elles accomplissaient, comme ce verset chez Ezéchiel : 

A ta naissance, au jour où tu naquis, ton cordon n'a pas été coupé, tu n'as pas été lavée avec de l'eau pour être purifiée, tu n'as pas été frottée avec du sel, tu n'as pas été enveloppée dans des langes. (Ez 16.4)

A cela, il faut peut-être encore ajouter la tâche d’annoncer la naissance (et le sexe de l’enfant) au père, qui semble exclu de l’accouchement (cf. Jr 20.15). Mais en dehors de ces quelques allusions, les sages-femmes restent dans l’ombre. On notera aussi que le Nouveau Testament est totalement silencieux à l’égard de cette profession méritante.

Nous verrons une autre fois que ce silence sera plus que comblé par d’autres auteurs ...

lundi 21 septembre 2009

De toutes les couleurs ...


En travaillant sur les quatre chevaliers de l’Apocalypse (Ap 6.1-8), je me suis rendu compte qu’il y a là une belle occasion de sonder comment une prophétie peut en nourrir une autre.

1 Je regardai quand l’agneau ouvrit l’un des sept sceaux, et j’entendis l’un des quatre êtres vivants dire [avec] comme une voix de tonnerre : « Viens ! » 2 Je regardai et voici : un cheval blanc (λευκός). Celui qui était assis sur lui avait un arc. Une couronne lui fut donnée, et il sortit en vainqueur et pour vaincre.

3 Quand il ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième être vivant dire : « Viens ! » 4 Un autre cheval, rouge comme le feu (πυρρός), sortit. A celui qui était assis sur lui, il lui fut donné d’ôter la paix de la terre, afin qu’ils s’égorgent mutuellement ; et un grand couteau lui fut donné. 

5 Quand il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième être vivant dire : « Viens ! » Je regardai, et voici : un cheval noir (μέλας). Celui qui était assis sur lui avait une balance dans sa main. 6 J’entendis comme une voix au milieu des quatre êtres vivants dire : « Une ration de blé pour un denier, et trois rations d’orge pour un denier, mais ne cause pas de dommage à l’huile et au vin ! »

7 Quand il ouvrit le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième être vivant dire : « Viens ! » 8 Je regardai, et voici : un cheval verdâtre (χλωρός). Celui qui était assis sur lui, son nom [est] la Mort. Le séjour des morts le suivait. Il leur fit donné le pouvoir sur le quart de la terre, [pour] tuer par l’épée, par la famine, par la mort et par les bêtes sauvages de la terre.

Comme cela a été souvent relevé, Jean semble s’inspirer de deux textes de Zacharie que voici : 

Je regardai pendant la nuit, et voici, un homme était monté sur un cheval roux, et se tenait parmi des myrtes dans un lieu ombragé; il y avait derrière lui des chevaux rouges (אֲדֻמִּים ; LXX : πυρροί), roux (שְׂרֻקִּים ; LXX : ψαροι και ποικίλοι, litt. « gris pommelé et tacheté »), et blancs (לְבָנִים ; LXX : λευκοί). Je dis: Qui sont ces chevaux, mon seigneur ? Et l’ange qui parlait avec moi me dit: Je te ferai voir qui sont ces chevaux. L’homme qui se tenait parmi les myrtes prit la parole et dit: Ce sont ceux que l’Éternel a envoyés pour parcourir la terre. Et ils s’adressèrent à l’ange de l’Éternel, qui se tenait parmi les myrtes, et ils dirent: Nous avons parcouru la terre, et voici, toute la terre est en repos et tranquille. (Za 1.8-11)

Zacharie voit un chevalier sur un cheval roux, puis des chevaux au nombre indéterminé. A priori ces chevaux ne sont pas montés. Leurs couleurs ne sont pas les mêmes que celles des chevaliers de Jean, mais on trouve le rouge feu et le blanc. La fonction de ces chevaux est celle d’émissaires de Dieu : ils lui rendent compte de l’état de la terre.

Un deuxième texte de Zacharie est encore plus proche de notre passage de l’Apocalypse : 

Je levai de nouveau les yeux et je regardai, et voici, quatre chars sortaient d’entre deux montagnes; et les montagnes étaient des montagnes d’airain. Au premier char il y avait des chevaux rouges (אֲדֻמִּים ; LXX : πυρροί), au second char des chevaux noirs (שְׁחרִים ; LXX : μέλανες), au troisième char des chevaux blancs (לְבָנִים ; LXX : λευκοί), et au quatrième char des chevaux tachetés, roux (אֲמֻצִּים בְּרֻדִּים , litt. « tachetés couleur pie (ou roux) » ; LXX : ποικίλοι ψαροί, litt. « tachetés gris pommelé »). Je pris la parole et je dis à l’ange qui parlait avec moi: Qu’est-ce, mon seigneur? L’ange me répondit: Ce sont les quatre vents des cieux, qui sortent du lieu où ils se tenaient devant le Seigneur de toute la terre. Les chevaux noirs (שְׁחרִים ; LXX : μέλανες) attelés à l’un des chars se dirigent vers le pays du septentrion, et les blancs (לְבָנִים ; LXX : λευκοί) vont après eux; les tachetés (בְּרֻדִּים ; LXX : ποικίλοι) se dirigent vers le pays du midi. Les roux (אֲמֻצִּים ; LXX : ψαροί) sortent et demandent à aller parcourir la terre. L’ange leur dit: Allez, parcourez la terre! Et ils parcoururent la terre. Il m’appela, et il me dit: Vois, ceux qui se dirigent vers le pays du septentrion font reposer ma colère sur le pays du septentrion. (Za 6.1-8)

On constate d’ailleurs que la couleur n’est pas une constante dans ce passage, car le quatuor rouge/noir/blanc/tacheté-roux de la première partie du texte devient noir/blanc/tacheté/roux dans la deuxième partie.

Si Jean s’est inspiré des chevaux de Zacharie (et c’est l’impression que l’on a) sans toutefois les reprendre intégralement, cela éclaire de manière intéressante le travail derrière la rédaction d’un livre de prophétie.

Mon hypothèse de travail serait la suivante. Jean a vu des choses appartenant au domaine céleste et, par conséquent, difficiles à rapporter. Dans le travail de « traduction », il s’appuie sur le travail de ses prédécesseurs. Les visions de ceux-ci forment un réservoir d’éléments disponibles. Jean puise dans ce réservoir mais ressent la nécessité d’apporter de petites corrections pour mieux rendre ce qu’il a vu. Ainsi, des chars de Zacharie, il n’en reste que les chevaux. Le cheval de la mort, au lieu d’être tacheté, devient verdâtre, peut-être pour mieux évoquer la décomposition des corps. En gardant toutefois une chevauchée proche de Za 6, Jean permet au lecteur attentif de comprendre que l’envoi des quatre chevaliers exprime, comme celui des chars de Zacharie, un jugement de Dieu.

samedi 12 septembre 2009

Quiz biblique pour (fins) connaisseurs

Voici une question pour un champion : Dans quel texte biblique le Messie est-il armé d’un arc ?

Certains penseront à Ap 6.2 (qui a inspiré le tableau ci-dessus), mais, comme Beale et d’autres l’ont démontré, c’est peu vraisemblable que ce chevalier blanc (à la différence de celui de Ap 19.11ss) soit le Christ.

Un meilleur candidat est le Psaume 45. On y lit :

2 Mon cœur frémit d’un message de bonheur.
Je dis : Mes œuvres sont pour un roi !
Que ma langue soit comme le stylet d’un scribe habile !
3 Tu es le plus beau des êtres humains,
la grâce est répandue sur tes lèvres :
c’est pourquoi Dieu t’a béni pour toujours.
4 Mets ton épée à la ceinture, vaillant guerrier,
ton éclat et ta magnificence,
5 oui, ta magnificence ! Elance-toi, monte sur ton char,
pour la cause de la loyauté, de l’humilité et de la justice !
Que ta main droite t’entraîne dans des actions redoutables !
6 Tes flèches sont aiguës :
des peuples tomberont sous toi ;
elles pénétreront dans le coeur des ennemis du roi.
7 Ton trône, ô Dieu, est pour toujours, à jamais;
le sceptre de ton règne est un sceptre de droiture.

Mais, pourrait-on objecter, peut-être le psaume vise-t-il simplement un roi d’Israël ou de Juda ?

Or c’est l’épître aux Hébreux, et plus précisément Hb 1.8, qui apporte la preuve de ce que le Messie est visé :

7 Pour les anges, [Dieu] dit :
Il fait de ses anges des esprits,
de ses serviteurs un feu flamboyant.
8 Mais pour le Fils :
Ton trône, ô Dieu, est établi pour toujours,
le sceptre de ton règne est un sceptre d’équité.

La comparaison de Hb 1.8 et Ps 45.7 ne laisse guère d'autre choix : le psaume nous parle du Christ.

vendredi 11 septembre 2009

Répliques d'un séisme (II)

Dans mon billet précédent, j’ai évoqué le récit que le livre des Jubilés donne du « sacrifice d’Abraham » (עֲקִידָת־יִצְחָק). J’ai trouvé encore un deuxième texte, dans le Livre des Antiquités bibliques dont on pense qu’il a été rédigé en hébreu ou araméen vers le milieu du 1er siècle. Le passage en question rapporte le cantique de Débora, mais dans une version très différente de celle que nous donne le livre des Juges (Jg 5). La voici :

Alors Débora et Barach, fils d’Abino, et tout le peuple, chantèrent d’une seule âme un hymne au Seigneur en ce jour-là, en disant : « Voici que d’en haut le Seigneur nous a montré sa gloire, comme il l’a fait dans les lieux élevés, lorsqu’il fit entendre sa voix pour confondre les langages des hommes. Il a choisi notre nation, il a tiré du feu Abraham, notre père, et l’a choisi parmi tous ses frères ; il l’a gardé du feu et l’a libéré des briques de la tour en construction. Il lui a donné un fils au dernier jour de sa vieillesse et l’a fait sortir d’un sein stérile. Tous les anges ont été jaloux de lui et les gardiens des lieux célestes l’ont envié. Et il advint, tandis qu’ils étaient jaloux de lui, que Dieu lui dit : « Tue le fruit de ton sein pour moi et offre-moi en sacrifice ce qui t’a été donné par moi. » Et Abraham ne refusa pas, mais il partit aussitôt. En partant, il dit à son fils : « Voici que maintenant, mon fils, je vais t’offrir en holocauste et te livrer aux mains de celui qui t’a donné à moi. » Mais le fils dit à son père : « Ecoute-moi, père ! Si un agneau est choisi parmi les brebis pour les offrandes au Seigneur en odeur agréable et si des brebis sont désignées pour l’immolation pour les péchés des hommes, l’homme, au contraire, a été placé pour héritier du monde. Comment peux-tu me dire maintenant : ‘Viens et reçois en héritage la vie tranquille et le temps sans mesure.’ Que serait-il advenu, si je n’étais pas né dans le monde pour être offert en sacrifice à celui qui m’a fait ? Mais mon bonheur sera plus grand que celui de tous les hommes, puisque plus rien n’arrivera de tel. Par moi, les générations seront instruites, en moi les peuples comprendront que le Seigneur a rendu l’âme de l’homme digne d’être sacrifiée. » Lorsque le père eut offert son fils sur l’autel et qu’il lui eut lié les pieds pour le tuer, le Tout-Puissant se hâta d’envoyer d’en haut sa voix en disant : « Ne tue pas ton fils, ne détruis pas le fruit de ton sein. Car maintenant, je me suis manifesté pour que tu sois connu de ceux qui t’ignorent et j’ai fermé la bouche de ceux qui disent toujours du mal contre toi. Et ton souvenir sera en ma présence pour toujours, et ton nom et le nom de celui-ci demeureront pour les générations des générations. » …
(XXXII.1-4 ; traduction de Jean Hadot)

Derrière la jalousie des anges et l’affirmation j’ai fermé la bouche de ceux qui disent toujours du mal contre toi, on devine un résidu de traditions selon lesquelles des forces sataniques (comme le prince Mastéma que nous avons rencontré dans le livre des Jubilés) se trouvent à l’origine de l’épreuve du patriarche. Mais ici l’auteur ne franchit pas le pas d’inventer un « prologue dans le ciel » ; il attribue l’initiative de l’épreuve à Dieu seul. Sur ce point, l’auteur reste fidèle au texte biblique.

En revanche, on sent un éloignement grandissant par rapport au texte biblique en ce qui concerne la personne d’Isaac. Le fils du patriarche, mis au courant de sa prochaine immolation, non seulement l’accepte, mais se lance dans de grandes déclarations enthousiastes. Et ça sonne faux. Par moi, les générations seront instruites, en moi les peuples comprendront que le Seigneur a rendu l’âme de l’homme digne d’être sacrifiée, dit le jeune homme. Là où Jésus a prié Mon Père, si c'est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ! (Mt 26.39), l’Isaac des Antiquités fonce avec fierté. On est là à mille lieues de l’attitude biblique face au sacrifice, et plus proche de la mentalité des martyrs d’Al Aqsa.

jeudi 10 septembre 2009

Répliques d'un séisme (I)

Pour prolonger un peu notre réflexion sur le « sacrifice d’Abraham » (le terme technique hébreu est עֲקִידָת־יִצְחָק, le « ligotage d’Isaac »), j’ai cherché des textes dans la littérature inter-testamentaire qui relatent cet événement. J’en ai trouvé deux, dont voici le premier. Il se trouve dans le livre des Jubilés, un texte que Charles date entre 135 et 105 avant Jésus-Christ.

Dans la septième semaine de ce jubilé, la première année, le premier mois, le douzième jour du mois, il y eut dans les cieux des rumeurs au sujet d’Abraham ; [on disait] qu’il était fidèle en tout ce que lui disait le Seigneur, qu’il L’aimait et qu’en toute adversité il était constant. Le prince Mastéma vint déclarer devant Dieu : « Eh bien ! Abraham aime Isaac son fils et le chérit plus que tout. Dis-lui qu’il Te l’offre en holocauste sur l’autel, Tu verras s’il exécute cet ordre et Tu verras s’il est fidèle en toute épreuve que Tu lui présentes. » Le Seigneur savait qu’Abraham avait été fidèle en toutes ses adversités, car Il l’avait mis à l’épreuve au moyen des trésors des rois. Il l’avait encore mis à l’épreuve par l’intermédiaire de sa femme quand elle lui fut enlevée, et par la circoncision. Il l’avait mis à l’épreuve par l’intermédiaire d’Ismaël et de Hagar sa servante, lorsqu’il les renvoya. En toutes ces épreuves, [Abraham] avait été trouvé fidèle. Son esprit n’était ni rebuté ni hésitant à agir : il était fidèle et aimant le Seigneur.

Le Seigneur lui dit : « Abraham, Abraham ! » Il répondit : « Me voici. » [Le Seigneur] lui dit : « Prends ton fils bien-aimé, celui que tu aimes, Isaac. Va dans une haute terre et offre-le sur une des montagnes que Je t’indiquerai. » [Abraham] se leva de bon matin, harnacha son âne, prit avec lui ses deux valets et Isaac son fils et il coupa du bois pour le sacrifice. Il arriva à l’endroit le troisième jour, et il vit l’endroit de loin. Il arriva au bord d’une source et dit à ses serviteurs : « Restez ici avec l’ânesse. L’enfant et moi, nous irons et nous reviendrons auprès de vous après avoir adoré [le Seigneur]. Il prit le bois du sacrifice, en chargea Isaac son fils, il prit dans sa main le feu et le couteau et tous deux ensemble allèrent à cet endroit. Isaac dit à son père : « Père ! », et celui-ci répondit : « Me voici, mon fils. » [Isaac] dit : « Voici le feu, le couteau et le bois, mais où est le mouton pour l’holocauste, père ? » [Abraham] lui répondit : « Le Seigneur pourvoira d’un mouton pour l’holocauste, mon fils. » Il s’avança vers l’endroit [indiqué] de la montagne du Seigneur, construisit un autel, mit le bois sur l’autel, lia Isaac son fils et le plaça au-dessus du bois qui était sur l’autel. Il tendit la main pour prendre le couteau et immoler Isaac son fils. Mais je me dressai devant lui et devant le prince Mastéma, et le Seigneur [me] dit : « Qu’il n’abaisse pas sa main sur l’enfant et ne fasse rien contre lui, car Je sais qu’il craint le Seigneur. » Je l’appelai du ciel et je lui dis : « Abraham, Abraham ! » Il fut troublé et dit : « Me voici. » Je lui dis : « Ne porte pas la main sur l’enfant et ne lui fais rien, car maintenant Je sais que tu crains le Seigneur et tu ne M’as pas refusé ton fils premier-né », et le prince Mastéma fut confondu. […]

(Jubilés XVII.15-XVIII.8 ; traduction d’André Caquot)

Ce qui me semble particulièrement intéressant dans cette reprise, c’est l’introduction d’un « prologue dans le ciel » comme on le connaît du livre de Job. Le prince Mastéma, nom qui signifie « hostilité », n’est personne d’autre que le Satan. Fidèle à son rôle d’accusateur, il suggère à Dieu de demander au patriarche de sacrifier son fils. La suite de l’histoire est assez fidèle au récit biblique dans ses grandes lignes.

L’insertion du « prologue dans le ciel » semble répondre au désir d’éviter la conclusion que Dieu puisse être à l’origine d’un mal. Le récit biblique quant à lui fait remonter l’initiative de l’épreuve à Dieu seul. On peut reprocher à l’auteur des Jubilés d’ajouter au texte biblique, mais il faut reconnaître qu’il met en évidence une véritable tension dans les textes bibliques. Jésus ne nous invite-t-il pas à prier : Ne nous fais pas entrer dans l’épreuve (Mt 6.13), ce qui semble suggérer que le Père puisse nous mettre à l’épreuve (autrement, la prière semble sans objet), alors que Jacques affirme : Que personne, lorsqu'il est mis à l'épreuve, ne dise : « C’est Dieu qui me met à l’épreuve. » Car Dieu ne peut être mis à l’épreuve par le mal, et lui-même ne met personne à l’épreuve. (Jc 1.13) Il y a de quoi creuser, mais ce sera pour une autre fois.

lundi 7 septembre 2009

Vie intérieure d'un homme éprouvé

Dans mon précédent billet, j’ai essayé de souligner à quel point Abraham se distingue de ses contemporains qui pratiquaient les sacrifices humains, même si, pour un observateur extérieur, le « sacrifice » d’Isaac pouvait faire penser le contraire.

Une des particularités du récit de Genèse 22, c’est l’absence totale de références à l’état intérieur dans lequel se trouvait Abraham avant le dénouement heureux de son épreuve. On a du mal à imaginer la tension intérieure et la souffrance que devait subir le patriarche.

Dans mes lectures, je suis tombé sur une contribution d’A. Guigui à un colloque de l’Institutum Iudaicum de l’UCL en 1977. Dans ce texte, l’auteur fournit une traduction en langue française d’une partie du Midrach Tanhuma 22. Je ne résiste pas à la tentation de citer ce passage dans lequel le rédacteur contemple la vie intérieure d’Abraham pendant la préparation du sacrifice.

« Il se leva et il alla. » Le Satan le précéda sur le chemin et lui apparut sous la forme d’un vieillard. Celui-ci demanda : « Où vas-tu ? »

Abraham répondit : « Je vais prier. »

« Si tu vas seulement prier, qu’as-tu besoin de ce feu et de ce couteau que tu emportes ? »

« Peut-être m’attarderai-je un jour ou deux : aussi ai-je emporté ce qu’il faut pour tuer un animal que je pourrai cuire et manger. »

« Je sais que Dieu t’a demandé de prendre ton fils. As-tu perdu la tête ? Tu voudrais tuer ce fils qui t’a été donné alors que tu étais déjà centenaire ! … »

« Oui, puisque c’est Dieu qui me le demande. »

« Et s’il te proposait une épreuve plus grave encore, pourrais-tu la surmonter ? »

« Oui, certes. »

« Peut-être Dieu t’accusera-t-il demain d’être un assassin, puisque tu as tué ton fils ? »

« Soit … »

Quand Satan eut compris qu’il ne pouvait convaincre ni Abraham, ni Isaac par des paroles, il prit la forme d’un grand fleuve sur le parcours. Abraham, sans hésiter, entra dans l’eau. Quand il eut jusqu’au genou, il s’arrêta et demanda à sa troupe de le suivre. Quand ils furent arrivés à la moitié du fleuve et qu’ils eurent à peine pied, Abraham s’arrêta, leva les yeux vers le ciel et pria : « Maître du monde, Tu m’as choisi, Tu T’es révélé à moi, Tu m’as dit … « Sacrifie Isaac ton fils en holocauste ». Sans tarder, je me suis mis en devoir d’accomplir Tes prescriptions. Or voici que les eaux menacent de m’engloutir. Si l’un d’entre nous, Isaac ou moi, se noyait, qui accomplirait ta volonté ? Qui ferait connaître Ton Nom dans l’Univers ? »

Et Dieu répondit : « Par ta vie, c’est par toi que l’unité de Mon Nom se réalisera dans le monde. »

Et aussitôt Dieu assécha le fleuve et ils se tinrent à pieds secs.

Abraham ou l'épreuve ultime

Si l’on me demandait où culmine l’histoire du salut sous l’ancienne alliance, je dirais sans hésitation que c’est dans le récit du sacrifice d’Isaac, qui nous est raconté au chapitre 22 de la Genèse. Il faut aller à Golgotha pour trouver un instant plus dramatique et plus lourd de conséquences.

1 Après cela, Dieu mit Abraham à l’épreuve; il lui dit : « Abraham ! » Il répondit : « Je suis là ! » 2 Dieu dit : « Prends ton fils, je te prie, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en au pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai. » 3 Abraham se leva de bon matin, sella son âne et prit avec lui deux serviteurs et Isaac, son fils. Il fendit du bois pour l’holocauste et se mit en route pour le lieu que Dieu lui avait indiqué. 4 Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin. 5 Abraham dit à ses serviteurs : « Vous, restez ici avec l’âne; moi et le garçon, nous irons là-haut pour nous prosterner, puis nous reviendrons vers vous. » 6 Abraham prit le bois pour l’holocauste et le chargea sur Isaac, son fils, et il prit lui-même le feu et le couteau. Puis ils continuèrent à marcher ensemble, tous les deux. 7 Alors Isaac dit à Abraham, son père : « Père ! » Il répondit : « Oui, mon fils ? » Isaac reprit : « Le feu et le bois sont là, mais où est l’animal pour l’holocauste ? » 8 Abraham répondit : « Que Dieu voie lui-même quel animal il aura pour holocauste, mon fils ! » Et ils continuèrent à marcher ensemble, tous les deux. 9 Lorsqu’ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait indiqué, Abraham y bâtit l’autel et disposa le bois. Il ligota Isaac, son fils, et le mit sur l’autel, par-dessus le bois. 10 Puis Abraham tendit la main et prit le couteau pour immoler son fils. 11 Alors le messager de YHWH l’appela depuis le ciel, en disant : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Je suis là ! » 12 Il dit : « Ne porte pas la main sur le garçon et ne lui fais rien : je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique. » 13 Abraham leva les yeux et vit par-derrière un bélier retenu par les cornes dans un buisson; alors Abraham alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils. (Gn 22.1-13)

Ce récit m’a longtemps tourmenté. Ce qui est perturbant, c’est que finalement, Abraham se comporte de manière assez semblable aux idolâtres qui pratiquaient des sacrifices humains pour plaire à leurs divinités. Or ces pratiques furent condamnées on ne peut plus sévèrement par Dieu. Peut-on louer Abraham et condamner les païens, juste parce qu’Abraham sert « par hasard » le vrai Dieu et que les autres sacrifient à des « néants » ? On ne saurait dédouaner Abraham en se disant que finalement, il n’est pas passé à l’acte, car il y était certainement prêt.

Mais à la réflexion, la démarche d’Abraham est assez différente de celle des païens pratiquant des sacrifices humains. Abraham se distingue des idolâtres en ce qu’il n’accomplit pas son acte pour obtenir quelque chose en échange, tout au contraire : il risque de perdre tout ce qu’il a déjà obtenu – son fils, sa descendance.

Mais avant tout, la différence se situe dans la relation qu’Abraham a avec son Dieu, et en particulier dans la promesse que Dieu avait faite à Abraham. Abraham a tout un vécu avec son Dieu. Le fils qu’il est prêt à sacrifier, c’est le fils de la promesse de Dieu (Gn 17.19). Abraham a cru en cette promesse, et Dieu lui a offert Isaac. La foi du patriarche en a été fortifiée. Abraham croit que la promesse de Dieu tiendra, quoi qu’il arrive. Lorsqu’il reçoit l’ordre déchirant de Dieu, Abraham répond sans hésitation apparente, parce qu’il est convaincu que Dieu fera le nécessaire pour honorer sa promesse. La démarche d’Abraham est une démarche de foi.

L’auteur de l’épître aux Hébreux a parfaitement saisi cela : C’est par la foi qu’Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac. C’est son fils unique qu’il offrait, lui qui avait accueilli les promesses et à qui il avait été dit : C’est par Isaac que tu auras ce qui sera appelé ta descendance. Il estimait que Dieu avait même le pouvoir de réveiller un mort. C’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une parabole. (Hb 11.17-19)

Abraham a pu sacrifier Isaac parce qu’il savait que Dieu honorerait sa promesse, quitte à ressusciter un mort.