dimanche 4 octobre 2009

Blanche-Neige en Palestine


Comme il ne neige que rarement dans les pays chauds du Moyen Orient, on pourrait s’attendre à ce que la neige n’apparaisse que peu dans les textes bibliques. Qu’en est-il ?

Il est vrai que le nombre de textes qui évoquent la neige (hébreu : שֶּׁלֶג ; araméen : תְּלַג ; grec : χιων) est assez réduit ; j’en ai recensé 24. Dans 2 Samuel et dans les Chroniques, on nous parle d’un des héros de David, Benaya, fils de Joïada, qui descendit et abattit un lion dans une citerne, un jour de neige (2 Sa 23.20 ; 1 Ch 11.22). Un autre souvenir d’un jour neigeux se trouve dans les Psaumes. On y apprend qu’il neigeait sur le Tsalmôn – une montagne qu’on n’a pas encore identifiée avec certitude – lorsque Dieu y dispersa les rois.

Le livre de Job est le texte qui contient le plus grand nombre de références à la neige. Job évoque les courants d’eau assombris par la fonte des neiges (Jb 6.16), et il mentionne que la sécheresse et la chaleur tarissent les eaux de la neige (Jn 24.19). Il semble avoir connu la neige de près, car il évoque la possibilité de se laver dans la neige (Jb 9.30). Dans son grand discours météorologique, Elihou décrit l’action de Dieu qui dit à la neige : « Tombe sur la terre ! » (Jb 37.6). Dieu lui-même continue dans cette tonalité quand il demande à Job : Es-tu parvenu jusqu’aux réserves de neige ? As-tu vu les réserves de grêle ? (Jb 38.22).

Les psaumes s’intéressent également à l’action de Dieu sur la nature. Le psaume 147 nous dit que Dieu donne la neige comme de la laine, il répand le givre comme de la cendre (Ps 147.16). Le psaume suivant invite les forces de la nature à la louange, y compris feu et grêle, neige et brouillard, et toi, vent de tempête, qui exécutes sa parole … (Ps 148.8)

Les proverbes tirent quelques enseignements pratiques de l’observation de la neige. On y lit notamment : Comme la fraîcheur de la neige au temps de la moisson, tel est un émissaire sûr pour ceux qui l’envoient : il réconforte son maître (Pr 25.13), et : Pas plus que la neige en été, que la pluie pendant la moisson, la gloire ne convient à un homme stupide (Pr 26.1). On y apprend également que la femme de valeur ne craint pas la neige pour sa maison : toute sa maison est vêtue d’écarlate (Pr 31.21).

Chez les prophètes, les références à la neige sont rares. Esaïe écrit : Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y reviennent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et fait germer, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui a faim. (Es 55.10) Jérémie nous fournit un renseignement intéressant quand il fait allusion à la neige du Liban (Jr 18.14). On peut en effet penser que c’est surtout la région du Golan qui permettait aux Israélites de contempler la blancheur de la neige.

Ce qui m’a le plus surpris dans mes recherches, c’est que la neige, malgré sa rareté dans les contrées bibliques, a durablement marqué la conscience collective, car elle est à la base d’une expression proverbiale que l’on rencontre d’un bout à l’autre de la Bible : « blanc comme la neige ».

Cette expression apparaît déjà dans des textes fort anciens. Dans l’Exode, Dieu accorde à Moïse un signe destiné à confirmer l’origine divine de sa démarche : YHWH lui dit encore : Mets ta main sur ta poitrine, je te prie. Il mit sa main sur sa poitrine; puis il la ressortit : sa main était couverte de « lèpre », elle était blanche comme de la neige (כַּשָּׁלֶג מְצרַעַת ; LXX : ωσει χιων). (Ex 4.6) En traduisant par « blanche comme de la neige », la NBS ajoute au texte. L’expression signifie littéralement « atteint de lèpre comme neige ». La blancheur est implicite.

Idem pour la punition de Miriam dans les Nombres : La nuée se retira d’au-dessus de la tente : Miriam était couverte de « lèpre », elle était blanche comme la neige (כַּשָּׁלֶג מְצרַעַת ; LXX : λεπρωσα ωσει χιων). Aaron se tourna vers Miriam : elle était couverte de « lèpre » ! (Nb 12.10)

L’expression apparaît encore dans 2 R 5.27 où il est dit que Guéhazi, le serviteur d’Elisée était couvert de « lèpre », il était blanc comme la neige (כַּשָּׁלֶג מְצרָע ; LXX : λελεπρωμενος ωσει χιων), en punition de son avidité.

Jusque là, la couleur « neige » est donc associée à la lèpre. Il en est autrement chez Esaïe (1.18 : … Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendraient blancs comme la neige (יַלְבִּינוּ כַּשָּׁלֶג ; LXX : ως χιονα λευκανω) …)

Il faut aussi citer le psaume 51.9 (… Ote mon péché avec l’hysope, et je serai pur / lave-moi, et je serai plus blanc que la neige (אַלְבִּין וּמִשֶּׁלֶג ; LXX : υπερ χιονα λευκανθησομαι) …). On notera que l’expression a changé ; le verbe לבן (« rendre blanc » ou « devenir blanc ») est utilisé, et l’état spirituel du pécheur n’est pas assimilé à de la neige (comme) mais distingué de celle-ci (plus … que).

La situation est un peu différente pour Lm 4.7 (… ses nazirs étaient plus purs que la neige (מִשֶּׁלֶג ; LXX : υπερ χιονα) / plus blancs que le lait ...) ; le terme traduit par ‘blanc’ (צַח ; LXX : ελαμψαν) se traduit habituellement par ‘clair’ ou ‘éblouissant’.

On trouve l’expression encore chez Daniel 7.9 (… et un vieillard s’assit. Son vêtement était blanc comme la neige (חִוָּר כִּתְלַג ; Rahlfs donne deux variantes pour la LXX : ωσει χιονα et ωσει χιων λευκον) …)

Dans le NT, j’ai trouvé deux versets qui reprennent la comparaison avec la neige ; ce sont d’ailleurs les seules mentions de la neige dans le NT. La première se trouve chez Matthieu. Il y est dit de l’ange du Seigneur qui effraie les soldats gardant la tombe de Jésus : Son aspect était comme l’éclair et son vêtement blanc comme la neige (λευκον ως χιων). (Mt 28.3). Et dans l’Apocalypse, l’image est utilisée pour décrire l’aspect du Christ ressuscité : Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme laine blanche, comme neige (λευκον ως χιων). Ses yeux étaient comme un feu flamboyant. (Ap 1.14) On notera d’ailleurs que les auteurs du NT ne semblent pas citer explicitement la Septante.

On constate donc que la comparaison « (blanc) comme neige » se trouve dans l’ensemble du Canon : dans la Loi, chez les prophètes, dans les écrits, dans les Evangiles et jusque dans l’Apocalypse. Vu le climat habituel de la Palestine, le fait que l'on trouve cette expression dans la bouche des auteurs bibliques à travers les siècles, ne me semble pas couler de source.

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