vendredi 2 octobre 2009

Couleurs bibliques : blanc


Il n’y a pas longtemps, je me suis rendu compte que la Bible évoque assez peu les couleurs. Je me suis donc intéressé aux textes « colorés », à commencer par ceux qui mentionnent une couleur des plus lumineuses : le blanc (לָבָן ; λευκός).

Première surprise : parmi les rares versets qui évoquent cette couleur dans nos Bibles françaises (entre 60 et 70, selon les traductions), bon nombre ne comportent pas l’adjectif ‘blanc’ lorsqu’on considère les textes originaux, mais plutôt un terme technique : quand il est question de pain blanc (Gn 40.16), d’ânesses blanches (Jg 5.10), de marbre blanc (1 Ch 29.2 ; Ct 5.15), de blanc d’œuf (Jb 6.6), de peau blanche (Ct 5.10), de blancs rayons de lumière (Es 18.4) etc., il n’y a aucune trace de l’adjectif ‘blanc’ dans le texte hébreu. En ce qui concerne la laine blanche d’Ez 27.18, il s’agit d’une traduction très spéculative. Mais l’exemple le plus frappant, ce sont les cheveux blancs qui évoquent si souvent la vieillesse – en hébreu, il s’agit d’un terme technique (שֵׂיבָה) qui n’a rien à voir avec la couleur blanche, mais qui a trait au fait d’être grisonnant. (En revanche, dans le NT (Mt 5.36 ; Ap 1.14) l’adjectif ‘blanc’ est bel et bien utilisé pour les cheveux, mais a priori ce ne sont pas des textes faisant référence à la vieillesse.)

Parmi les textes où l’adjectif apparaît bel et bien dans les textes originaux, il y a un certain nombre qui évoquent cette couleur simplement parce qu’ils décrivent quelque chose de blanc ou de très lumineux. Ainsi, il est question de chèvres blanches (Gn 30.35), de branches ayant une partie blanche (Gn 30.37), de dents blanches (Gn 49.12), de la manne (Ex 16.31) et encore de champs blancs (Jn 4.35).

En ce qui concerne l’AT, le terme לָבָן est le plus souvent utilisé dans le contexte de la « lèpre » : dans le chapitre 13 du Lévitique, l’adjectif est utilisé en rapport avec les manifestations de cette catégorie de pathologies pas moins de 21 fois en 16 versets. Dans ce contexte, la couleur blanche semble donc avoir une connotation d’impureté.

Quelques rares fois, le verbe לבן (« rendre blanc » ou « devenir blanc ») est utilisé. Mise à part une utilisations banale (Jl 1.7), tous ces textes associent blancheur et pureté. Ainsi Ps 51.9 : Ote mon péché avec l’hysope, et je serai pur / lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. On peut également citer un texte très connu d’Esaïe : Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de ma vue vos agissements mauvais, cessez de faire du mal. … Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendraient blancs comme la neige … (Es 1.16,18 ) Voir aussi Dn 11.35 et 1.10. Dans tous ces textes à caractère plutôt prophétique, la blancheur est donc associée à la pureté.

Toujours dans le domaine prophétique, nous croisons, à trois reprises, des chevaux blancs dans les visions de Zacharie (Za 1.8 ; 6.3,6), et de tels chevaux apparaissent également dans les visions de Jean (Ap 6.2 ;19.11,14), sans qu’une interprétation particulière s’impose.

Un autre thème, qui se développe surtout dans le NT, ce sont les vêtements blancs. Le thème pointe son nez chez Qohélet 9.8 : Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs, et que l’huile ne manque pas sur ta tête. La couleur semble avoir ici une connotation de fête. Mais c’est surtout dans le NT qu’on parle beaucoup de vêtements blancs. Tantôt, il s’agit de textes qui pourraient être descriptifs, tantôt ce sont des textes à caractère très nettement symbolique. Dans la première catégorie, on trouve : l’apparence des vêtements du Christ lors de la transfiguration (Mt 17.2) ainsi que ceux de plusieurs anges (Mt 28.3 ; Mc 16.5 ; Jn 20.12 ; Ac 1.10). Ces êtres appartenant à la sphère céleste dégagent une lumière intense ; l’idée de pureté n’est peut-être pas absente, car tous ces personnages sont exempts de péché. Mais les vêtements blancs apparaissent aussi dans des contextes clairement symboliques. Aux fidèles de Sardes qui ne se sont pas rendu impurs, le Christ promet des vêtements blancs (Ap 3.4s), et aux membres de l’Eglise de Laodicée, il conseille de se procurer de tels vêtements, également dans un contexte lié à la pureté (Ap 3.18). Les vingt-quatre anciens devant le trône sont habillés de vêtements blancs (Ap 4.4), tout comme les martyrs (Ap 6.11) et la foule des rachetés (Ap 7.9,13). Il semble difficile d’échapper à la conclusion que cette blancheur est associée à la pureté.

Il n’est pas impossible que cette même association opère dans l’image du grand trône blanc (Ap 20.11) et de la nuée blanche sur laquelle se trouve le Fils de l’homme (Ap 14.14), à moins qu’il s’agisse de simples références à leur appartenance à la sphère céleste. Le caillou blanc donné au vainqueur (Ap 2.17), en revanche, semble véhiculer d’autres associations.

La couleur blanche a donc la particularité de changer radicalement de valeur symbolique. Dans la Loi, elle est associée à l’impureté cultuelle, par le biais de la lèpre. Dans des textes ultérieurs de l’AT, notamment à caractère prophétique, l’image de la couleur blanche change : la blancheur est associée à la pureté, et c’est cette association qui prévaut aussi dans les textes du NT.

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