mercredi 17 juin 2009

Jérusalem : choix de l’homme, choix de Dieu ?

La ville dé Jérusalem attise les convoitises, et ça ne date pas d’hier. Je me suis posé la question de savoir à quel moment et par qui la ville a été choisie comme centre religieux du judaïsme ancien.

Sauf erreur, c’est dans le Deutéronome que l’on trouve les premières références au lieu que YHWH, votre Dieu, choisira parmi toutes vos tribus pour y placer son nom et l’y faire demeurer (Dt 12.5). La formule semble proprement deutéronomiste (cf. 12.11,14,18,21 ; 14.23-25 ; 15.20 ; 16.2,6s,11,15 ; 17.8,10 ; 26.2 ; 31.11).

Ces textes suggèrent fortement que c’est Dieu qui choisirait l’endroit convenable.

Si l’on fait abstraction de Salem (déjà mentionné dans Gn 14.8) – nom qui semble désigner la même ville (Ps 76.3) – le nom de la ville de Jérusalem (également appelée Jébus : Jos 15.8 ; 18.28 ; 19.10s ; 1 Ch 11.4) apparaît pour la première fois dans le livre de Josué. Celui-ci affronte Adoni-Tsédeq, roi de Jérusalem (Jos 10.1), et emporte la victoire, mais par la suite la tribu de Juda n’arrive pas à déloger les Jébusites (Jos 15.63). Le livre des Juges rapporte aussi cette prise de Jérusalem par les fils de Juda (Jg 1.8) et le maintien des Jébusites (Jg 1.21). La ville semble néanmoins avoir été attribuée à la tribu de Benjamin (Jos 18.28). Finalement c’est David qui va prendre la ville aux Jébusites (2 S 5.6ss) et en faire la capitale de son royaume (2 S 5.5 ; 1 R 2.11). Jérusalem étant située à la frontière de Juda et de Benjamin, tribu de son prédécesseur Saül, ce choix est peut-être pour une bonne part politique : il pourrait s’agir d’un signe de bonne volonté envers la tribu qui vient de perdre la royauté.

Le choix de Jérusalem comme centre religieux se fait encore un peu attendre. Après l’abandon du sanctuaire de Silo (voir mon billet précédent), le coffre de l’alliance reste à Qiriath-Yéarim pendant plus de vingt ans. David finit par le faire venir à Jérusalem (ce qui ne se fait pas sans difficultés : 2S 6.6ss), au lieu qu’il lui avait préparé (1 Ch 15.3). Peu de temps après, David ressent le besoin de faire construire un Temple en pierre (2 S 7.1ss), mais la question du lieu précis n’est pas vraiment posée. On peut signaler le fait que déjà l’endroit où le coffre est garé est désigné comme maison de YHWH (par exemple, 1 Ch 6.16)

Ce qui est curieux, c’est que les textes historiques ne montrent pas l’initiative de Dieu dans le choix de Jérusalem comme centre du culte israélite. Cette initiative semble revenir à David, tout comme celle de construire un Temple (2 S 7.2). Dieu freine cette construction (apparemment parce que David a versé trop de sang : 1 Ch 28.3) et désigne Salomon comme bâtisseur (2 S 7.13), toujours sans précision géographique. David ne reste pas pour autant inactif ; il donne à Salomon un modèle du futur Temple (1 Ch 28.11ss) et commence à amasser des matériaux de construction (1 Ch 29.1ss), selon toute vraisemblance à proximité de Jérusalem. Tout se passe donc comme si le choix de Jérusalem était assez naturel et lié au choix de David d’installer son règne dans cette ville.

Le lieux précis semble avoir été choisi par David, suite aux événement terrifiants rapportées dans 1 Ch 21 : … David leva les yeux et vit le messager de YHWH qui se tenait entre la terre et le ciel, son épée tirée, tendue au-dessus de Jérusalem. Alors David et les anciens, couverts d’un sac, tombèrent face contre terre. […] David dit à Ornân : Donne-moi ce lieu, cette aire, afin que j’y bâtisse un autel pour YHWH ; donne-le-moi contre sa pleine valeur en argent, pour que le fléau qui frappe le peuple s’arrête. […] David dit : Ici sera la maison de YHWH-Dieu, ici sera l’autel pour l’holocauste d’Israël. (1 Ch 21.16,22, cf. 2 Ch 3.1)

Il y a cependant des textes ultérieurs où Dieu parle de son choix de Jérusalem. Quelques exemples suffiront. Lors de l’inauguration du Temple, Salomon commence son discours avec les paroles : Béni soit YHWH, le Dieu d’Israël, qui, de sa bouche, a parlé à David, mon père, et qui, de ses mains, a accompli ce qu’il avait dit : « Depuis le jour où j’ai fait sortir d’Egypte mon peuple, je n’ai pas choisi de ville parmi toutes les tribus d’Israël pour qu’y soit bâtie une maison où résiderait mon nom, et je n’ai pas choisi d’homme pour qu’il soit chef sur Israël, mon peuple ; mais j’ai choisi Jérusalem pour que mon nom y réside, et j’ai choisi David pour qu’il soit à la tête d’Israël, mon peuple. » (2 Ch 6.4-6) Au vieux Salomon, devenu idolâtre, Dieu annonce une scission du royaume. Il lui dit notamment : Je n’arracherai cependant pas tout le royaume ; je laisserai une tribu à ton fils, à cause de David, mon serviteur, et à cause de Jérusalem que j’ai choisie. (1 R 11.13 cf. 11.32) 1 R 11.36 contient même une allusion nette aux promesses du Deutéronome : Je donnerai une tribu à son fils, afin que David, mon serviteur, ait toujours une lampe devant moi à Jérusalem, la ville que j’ai choisie pour y placer mon nom. Enfin, dans un texte sur Manassé, il nous est rapporté une parole de Dieu adressée à David et à Salomon : Il plaça la statue de l’Ashéra qu’il avait faite dans la maison dont YHWH avait dit à David et à Salomon, son fils : « C’est dans cette maison et c’est dans Jérusalem, que j’ai choisie parmi toutes les tribus d’Israël, que je veux placer mon nom pour toujours. … » (2 R 21.7 ; cf. 2 Ch 33.7)

Alors, choix de David ou choix de Dieu ? Il faut sans doute répondre : Choix de David et choix de Dieu. Et comment pourrait-il en être autrement dans un monde où Dieu est souverain ? Ou comme le disent les Proverbes : Le cœur du roi, ce sont des canaux d’irrigation dans la main de YHWH / il le dirige partout où il veut. (Pr 21.1)

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