jeudi 28 mai 2009

Ephraïm - Juda : 0-1 (score final)

Depuis mon billet récent consacré aux douze tribus, vous ne serez pas étonnés d’apprendre que je suis sensible à la mention nominative des tribus par l’Ecriture. Le psaume 78, un des « poids lourd » du psautier, contient un passage intéressant à cet égard.

C’est un psaume historique, qui retrace l’histoire du salut entre l’Exode et l’installation de la royauté davidique. En voici un extrait :

55 Il chassa des nations devant eux,
leur attribua un patrimoine au cordeau
et fit demeurer dans leurs tentes les tribus d’Israël.
56 Mais ils provoquèrent le Dieu Très-Haut,
se rebellèrent contre lui
et ne prirent pas garde à ses préceptes.
57 Ils se dérobèrent et trahirent, comme leurs pères,
ils dévièrent comme un arc faussé.
58 Ils le contrarièrent par leurs hauts lieux,
ils provoquèrent sa jalousie par leurs statues.
59 Dieu entendit, et il s’emporta ;
il rejeta complètement Israël.
60 Il délaissa la demeure de Silo,
la tente où il demeurait parmi les hommes ;
61 il livra sa puissance à la captivité
et sa splendeur à l’adversaire.
62 Il livra son peuple à l’épée
et s’emporta contre son patrimoine.
63 Un feu dévora ses jeunes gens,
et ses jeunes filles ne reçurent pas d’hommages ;
64 ses prêtres tombèrent par l’épée,
et ses veuves ne pleurèrent pas.
65 Le Seigneur s’éveilla comme quelqu’un qui a dormi,
comme un héros rendu triomphant par le vin.
66 Il frappa les arrières de ses adversaires,
il les couvrit de déshonneur pour toujours.
67 Cependant il rejeta la tente de Joseph,
il ne choisit pas la tribu d’Ephraïm.
68 Il choisit la tribu de Juda,
le mont Sion qu’il aimait.
69 Il bâtit son sanctuaire comme les lieux élevés,
comme la terre qu’il fonde pour toujours.
70 Il choisit David, son serviteur ;
il le prit dans les bergeries ;
71 il le prit derrière les brebis qui allaitent,
pour lui faire paître Jacob, son peuple,
et Israël, son patrimoine.
72 Et David les fit paître avec un coeur intègre
et il les conduisit avec des mains habiles.

Ce qui a retenu mon attention, c’est la citation de Joseph/Ephraïm au verset 67 (qui se trouve d’ailleurs au cœur d’un beau chiasme). Ces tribus sont ici opposées à la tribu de Juda. Juda est choisi, alors que Ephraïm est rejeté. Comment comprendre cela ?

Premièrement, on pourrait faire le lien avec la mention d’Ephraïm dans le verset 9 de notre Psaume : Les fils d'Ephraïm, armés et tirant à l'arc, tournèrent le dos au jour du combat. Il est cependant difficile de dire à quel événement se réfère ce verset, et hasardeux d’y voir la raison d’un rejet dont on ne sait pas plus.

Deuxièmement, le lecteur attentif des prophètes, et notamment du prophète Osée sait que le nom d’Ephraïm peut désigner Israël, c’est-à-dire le royaume du nord. En ce sens, l’opposition avec Juda, royaume du sud, fait sens. Ceci étant observé, Osée dira toujours Ephraïm et non pas la tribu d’Ephraïm. De plus, l’association avec Joseph est inconnue d’Osée. Un autre argument me fait penser que ce n’est pas la clé à l’énigme : comme on le voit aux versets 70 et suivants, le choix de Juda est lié au choix de l’homme David lui-même comme roi sur Israël. Le rejet d’Ephraïm semble donc se situer avant ce choix. Par conséquent, il semble difficile de voir en Ephraïm une représentation des tribus du nord et dans son rejet la destruction du royaume d’Israël. Certes, l’auteur peut avoir pris ses libertés avec l’ordre chronologique des événements, mais cela semble peu probable dans un psaume historique.

Troisièmement, on pourrait donc chercher la raison du rejet dans les événements précédant l’arrivée de David. Or, je ne l’y ai pas trouvée. Certes, la tribu d’Ephraïm joue un certain rôle dans le livre des Juges (elle a un conflit avec Gédéon (Jg 8.1ss), et elle se fait massacrer par Jephté dans une guerre civile sans pitié (Jg 12.4ss)), mais il ne semble pas y avoir eu un désaveu particulier de Dieu à l’égard de cette tribu.

Quatrièmement, je me suis dit qu’il faut peut-être voir derrière Ephraïm et Joseph le petit frère de Joseph, Benjamin, lui aussi fils de Rachel. Ce serait donc une manière détournée de désigner le rejet de la tribu de Benjamin en la personne de Saül. Mais cela ne semble guère convaincant, car nulle part ailleurs on trouve Saül associé à Ephraïm, et ce d’autant plus que la tribu de Benjamin avait son territoire tout près de Juda, au sud.

Finalement, j’ai trouvé une autre piste. Peut-être le psalmiste raisonne-t-il en termes de sanctuaires. En effet, au verset 60, il est dit que Dieu délaissa la « demeure », c’est-à-dire le sanctuaire, de Silo, qui se trouvait en effet dans le territoire d’Ephraïm (Jg 21.19). Or le verset 69, qui suit la mention du choix de Juda et de Sion, fait lui aussi référence à un sanctuaire.

Le rejet d’Ephraïm serait donc le retrait du sanctuaire de son territoire et le choix de Juda l’installation du Temple à Jérusalem. Si la réponse est là, on constate donc que s’entrelacent deux mouvements entre lesquels je n’avais pas vraiment fait le lien jusque-là : le sanctuaire national se déplace de Silo vers Jérusalem/Sion, alors que la royauté est enlevée à Saül et donnée à David.

Il est certain que ces mouvements ne sont pas tout à fait parallèles, ni simultanés. Saül est un Benjaminite, pas un fils d’Ephraïm. Et les changements ne sont pas synchronisés. La fin du temple de Silo semble se situer au moment où l’on enlève le coffre de l’alliance pour l’utiliser à des fins guerrières (1 S 4.4), ce qui se termine dans une catastrophe. Le coffre est même temporairement perdu, puis installé à Qiriath-Yéarim, dans la maison d’un certain Abinadab (1 S 7.1). Au moment où Saül devient roi, le coffre est à Qiriath-Yéarim depuis plus de vingt ans (1 S 7.2). Et il y reste jusqu’à ce que David le fasse venir à Jérusalem, la nouvelle capitale (2 S 6).

Mais il y a quelque chose d’assez cohérent dans ces deux mouvements. Le changement du temple est lié à l’échec de la prêtrise sous Eli et ses fils. Le changement de dirigeant est lié à l’échec de la royauté sous Saül. Dieu reprend les deux institutions en main et les fait converger vers David à Jérusalem. Ceci étant dit, la convergence est encore incomplète : David ne sera pas souverain sacrificateur.

Il faudra attendre encore un millénaire pour voir surgir celui qui réunit en sa personne l’office de roi et celui de prêtre. Et qui est le nouveau Temple. Mais c’est une autre histoire.

2 commentaires:

  1. Madame,

    C'est vrai, je n'adhère pas à votre enseignement.

    "Il faut effacer de votre mémoire un homme cloué sur une croix ..."

    Vous avez transformé l'Evangile en un micmac ésotérique. Ca me fait froid dans le dos.

    Je vous souhaite de pouvoir retrouver la simplicité de l'Evangile.

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  2. Lamentations 4.11-12
    L'Eternel a épuisé sa fureur, il a répandu son ardente colère, il a allumé en Sion un feu
    QUI EN DEVORE LES FONDEMENTS

    Les rois de la Terre n'auraient pas cru, aucun de habitants du monde n'aurait cru que l'adverdaire, que l'ennemi, entrerait dans les portes de Jérusalem. (l'adversaire c'est la vérité qui combat le mensonge dans lequel nous vivons)

    Je n'insisterai pas car seul Dieu appelle et donne la foi.
    Je secoue donc la poussière de mes pieds et n'oubliez pas que le royaume s'est approché de vous.

    M.M

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