mardi 19 mai 2009

Des heures et des heures

En réfléchissant encore au nombre 24 dans l’Apocalypse (voir mon précédent billet à ce sujet), il m’est venu à l’esprit que ce nombre pourrait aussi correspondre au nombre d’heures d’un jour. Le nombre suggérerait ainsi la totalité.

J’ai alors découvert que je ne savais pas pourquoi un jour a 24 heures, ni même si les Hébreux avaient un jour à 24 heures.

Renseignements pris, il semblerait que la naissance des jours à 24 heures se situe en Mésopotamie, plusieurs millénaires avant l’ère chrétienne. La division en 24 se serait imposée du fait qu’elle est particulièrement commode, car elle permet de désigner très facilement la moitié, le tiers et le quart du jour ou de la nuit. Toujours selon mes sources, les Hébreux auraient adopté cette façon de diviser la journée lors de leur exil babylonien.

Pour y voir un peu plus clair, j’ai fait le tour de tous les versets bibliques – il y en a une centaine – qui comportent le mot « heure ». Lorsqu’on fait cette recherche dans une traduction française, on s’égare vite. En effet, la plupart du temps quand on y trouve le mot « heure » dans les traductions des textes de l’AT, il traduit l’hébreu עֵת, qui se traduit d’habitude par « temps » ou « moment ». On ne s’étonnera donc pas que cette « heure » désigne un moment plus ou moins précis de la journée, comme l’heure où les femmes sortent pour puiser l’eau (Gn 24.11) ou l’heure du repas (Rt 2.14), pour ne citer que deux exemples. Chez Jérémie, on trouve l’expression plus précise heure de midi (Jr 20.16). Le terme araméen qui désigne l’heure au sens moderne (שָׁעָה) – et qui est le mot pour « heure » en hébreu moderne – apparaît à six reprises dans le livre de Daniel, mais plutôt dans le sens « instant ».

Le mot ώρα a cette même signification de « moment » dans bon nombre de textes du NT. On y parle, par exemple, de l’heure où le voleur doit venir (Lc 12.39), ou de l’heure du dîner (Lc 14.17 ; cf. Lc 22.14). Jésus dit à la Samaritaine : L’heure vient où … (Jn 4.21). C’est également dans ce sens qu’il nous est dit Jean prenait Marie chez lui dès cette heure-là (Jn 19.27).

L’heure peut également désigner le moment décisif : L’heure s’est approchée; le Fils de l’homme est livré aux pécheurs. (Mt 26.45 ; Mc 14.41 ; cf. Jn 16.4,21). On trouve ce sens notamment chez Jean : Mon heure n’est pas encore venue (Jn 2.4). Le caractère dramatique de l’instant est particulièrement mis en valeur dans l’expression dernière heure que Jean utilise une fois : Mes enfants, c’est la dernière heure; vous avez entendu dire qu’un antichrist vient, et il y a maintenant beaucoup d’antichrists : de là nous savons que c’est la dernière heure. (1 Jn 2.18)

Le mot a parfois un sens plus technique et précis. Dans une parabole, on se plaint de gens qui n’ont travaille qu’une heure (Mt 20.12) et Jésus reproche aux disciples de n’avoir pas su veiller une heure avec lui (Mt 26.40 ; Mc 14.37). Plusieurs textes de la main de Luc montrent le souci de précision temporelle : Après un intervalle d’environ une heure … (Lc 22.59) ; Environ trois heures plus tard, … (Ac 5.7) ; … pendant près de trois heures (Ac 19.34). Le sens précis semble également visé dans la parole Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul. (Mt 24.36 ; Mc 13.32). Voir aussi Ap 17.12 où les rois reçoivent le pouvoir pendant une seule heure (mais cette durée semble avoir un caractère symbolique).

Toujours dans l’Apocalypse, on trouve un verset très intéressant, comportant une subdivision de l’heure : Quand il ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d’environ une demi-heure (ημίωρον ; Ap 8.1). On m’a dit que c’était la citation donnant la précision temporelle la plus fine de tous les textes de l’Antiquité qui nous sont connus.

Une innovation du NT par rapport à l’AT, c’est le décompte des heures. Ainsi on évoque la troisième (Mt 20.3 ; Mc 15.25 ; Ac 2.15), la sixième (Mt 27.45 ; Mc 15.33 ; Lc 23.44 ; Jn 4.6 ; 19.14 ; Ac 10.9), la septième (Jn 4.52) la neuvième (Mt 20.5 ; 27.45s ; Mc 15.33s ; Lc 23.44 ; Ac 10.3,30 ; NB : c’est l’heure de la prière : Ac 3.1), la dixième (Jn 1.39) et l’onzième heure (Mt 20.6,9). On notera que les multiples de trois reviennent le plus fréquemment, peut-être parce que la mesure du temps était difficile et que les intervalles de trois heures constituaient un repère plus pratique que l’heure à l’unité.

Chez Jean, on trouve un texte fort intéressant qui atteste de la division de la journée en 12 heures : Jésus répondit : N’y a-t-il pas douze heures dans le jour ? Si quelqu’un marche de jour, il ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde … (Jn 11.9) Que la même division s’appliquait à la nuit semble se refléter dans Ac 23.23 qui fait allusion à la troisième heure de la nuit.

Pour revenir à notre point de départ : le nombre des anciens s’inspire-t-il des 24 heures du jour ? Sur la base de ce que nous venons de voir, je dirais que cela n’est pas exclu, mais que c’est somme toute peu probable. Si, techniquement parlant, les habitants de la région méditerranéenne du début de notre ère avaient un jour de 24 heures, ils semblent avoir raisonné plutôt en jours de douze heures, suivis de nuits de 12 heures. Le nombre 24 n’aurait donc, selon toute vraisemblance, pas été associé avec le nombre d’heures du jour.

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