vendredi 1 mai 2009

Lèpre et pureté

Je me suis récemment intéressé au Lévitique et à certaines de ses stipulations concernant la pureté. Un exemple frappant se trouve au chapitre 13, consacré aux problèmes de « lèpre » (צָרָעַת en hébreu, terme que la Septante traduit par λέπρα). Il semblerait (même si tous les spécialistes ne sont pas d’accord) qu’il ne s’agit pas de la lèpre au sens moderne (aussi connue sous le nom de « maladie de Hansen », et qui est désignée par צָרָעַת en hébreu moderne !) mais de diverses maladies provoquant des manifestations cutanées. Certains auteurs y voient des maladies comme le psoriasis.

Ce que je trouve intéressant, ce n’est pas tant l’identification précise de ces maladies, mais leur rapport avec la pureté. En effet, certaines manifestations de la « lèpre » rendent impur.

Selon la Loi mosaïque, telle que je la comprends, est impur ce qui est ou rend inapte au culte. L’impureté est donc en opposition avec la notion de sainteté, c’est-à-dire la consécration à Dieu.

A en croire Lévitique 13, la « lèpre » dans certaines de ses formes rendait un homme impur, au point qu’il devait vivre hors du camp (Lv 13.45), séparé de son peuple, qui était lui appelé à être un peuple saint (Dt 7.6 ; 14.2,21 ;26.18 ;28.9 ; cf. Es 62.12 ; 63.18).

J’ai essayé de voir plus clair dans le chapitre 13 du Lévitique, mais je me suis heurté à une casuistique assez sèche, permettant au prêtre de distinguer des cas impliquant l’impureté de situations bénignes. A vrai dire, je n’aurais pas aimé être un prêtre appelé à statuer sur la base de ce texte, car les cas présentés sont loin d’être exhaustifs. Vu les conséquences dramatiques que pouvait avoir un verdict d’impureté, j’aurais aimé disposer d’un guide plus complet.

Le schéma général comprend une présentation des manifestations cutanées au prêtre. Certains symptômes (lésions profondes avec poils blancs, apparition de chair vive …) permettaient de conclure sans tarder à l’impureté, mais dans d’autres cas de figure le prêtre devait mettre le malade en quarantaine pour établir si le mal progressait, en quel cas l’impureté était établie.

Un des cas présentés a particulièrement retenu mon attention :

Lorsque quelqu’un présente un cas de « lèpre », on l’amènera au prêtre. Le prêtre l’examinera : s’il y a sur la peau une tumeur blanche, si cette tumeur a fait blanchir le poil, et qu’il y ait un bourgeonnement de chair vive dans la tumeur, c’est une « lèpre » invétérée dans sa peau; le prêtre le déclarera impur; il ne l’isolera pas : il est impur. Si la « lèpre » fait une éruption sur la peau et que le mal [נֶגַע : coup ; maladie fléau] couvre toute la peau, depuis la tête jusqu’aux pieds, partout où le prêtre regarde, le prêtre l’examinera : si la « lèpre » couvre tout le corps, il déclarera pur le mal [נֶגַע] : comme il est devenu entièrement blanc, il est pur. Mais le jour où l’on apercevra en lui de la chair vive, il sera impur; quand le prêtre aura vu la chair vive, il le déclarera impur : la chair vive est impure, c’est la « lèpre ». Si la chair vive change et redevient blanche, il ira vers le prêtre. Le prêtre l’examinera; si la lésion est redevenue blanche, le prêtre déclarera pur le mal : il est pur. (Lv 13.9-17)

C’est assez intrigant de voir que si la « lèpre » couvre tout le corps, le prêtre doit conclure à la pureté, à moins que de la chair vive fasse son apparition. Comment peut-on comprendre cela ?

Baruch Levine pense s’en sortir en considérant que la blancheur qui couvre tout le corps, c’est de la peu normale qui a recouvert les manifestations problématiques. J’avoue ne pas être convaincu par cette lecture qui ignore que c’est la maladie [נֶגַע] qui recouvre tout le corps. Gordon Wenham y voit plutôt un signe que la sainteté est liée à la complétude (wholeness). Là encore, je reste sceptique, car le prêtre doit également conclure à la pureté lorsqu’il y a des tâches qui n’évoluent plus et que le malade est, par conséquent, tacheté.

Je n’ai pas la prétention d’avoir trouvé le principe unificateur qui permettrait de comprendre l’ensemble du chapitre 13, mais il me semble que ce qui est commun aux cas de pureté qu’il énumère, c’est que le corps du malade reste intègre (pas d’apparition de chair vive, et donc de liquides corporels tel que le sang sur la peau) et que le mal n’évolue plus, soit parce que les tâches ne grossissent plus, soit parce que tout le corps est couvert et qu’il n’y a donc plus de possibilité d’évolution.

Peut-on en tirer une leçon spirituelle ? J’en suis bien incapable, mais par association d’idées, je dirais que les chrétiens ont un rôle purificateur dans le monde. Appelés à être sel de la terre (Mt 5.13), ils freinent la décomposition de la société, l’avancement du mal. En cela, même s’ils ne réussiront pas à rendre pure l’humanité, ils retardent le constat d’impureté.

L'impureté liée à la lèpre me fait également penser à Jésus qui n'a pas hésité à se rendre impur en touchant les lépreux. Ce sont nos souffrances qu'il a portées, c'est de notre impureté qu'il s'est chargé ...

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