samedi 18 avril 2009

Aneries bibliques, selon Jean

Dans mon précédent billet, nous avons étudié le récit que Matthieu donne de l’entrée triomphale de Jésus dans la ville de Jérusalem, et plus particulièrement la citation du prophète Zacharie par l’Evangéliste. Son confrère Jean établit également un lien entre ce fait divers et Za 9.9, mais d’une manière un peu différente.

Rappelons la parole de Zacharie, dans la traduction grecque de la Septante :

Réjouis-toi vivement, fille Sion !
Proclame [ta joie], fille Jérusalem !
Voici, ton roi vient à toi,
Il est juste et sauveur,
Doux et monté sur une bête de somme,
[Sur] Un poulain jeune.

Chez Jean, cela devient (Jn 12.14-15) :

Jésus trouva un ânon et s’assit sur lui, comme il est écrit :
« N’aie pas peur, fille Sion !
Voici, ton roi vient
Assis sur un poulain d’âne. »

Nous avons là une version plus courte et apparemment moins composite que celle de Matthieu.

Réjouis-toi vivement N’aie pas peur, fille Sion !
Proclame [ta joie], fille Jérusalem !
Voici, ton roi vient à toi,
Il est juste et sauveur,
Doux et monté Assis sur une bête de somme,
Un poulain d’âne jeune.

Comme Matthieu, Jean omet l’exhortation à l’allégresse et les prédicats de justice et de salut. Même la référence à la douceur est omise, dans un souci de concision évident. Peut-être Jean estimait-il que la présence du poulain d’âne était suffisante pour exprimer cette douceur.

Notons aussi que la précision à toi a disparu chez Jean. Peut-être Jean veut-il souligner que Jésus ne vient pas seulement à Jérusalem, mais que sa messianité concerne le monde entier.

Mais la différence la plus significative réside sans doute dans l’introduction : N’aie pas peur !

On a parfois vu dans cette modification une allusion à des textes comme Es 35.4 ou Es 40.9 qui comportent l’expression « N’ayez pas peur … voici, notre (ou votre) Dieu ! » Et c’est vrai que la formule introductive « comme il est écrit » suggère une citation (et contrairement à celle de Matthieu, ne suggère pas une citation d’un prophète unique et bien identifié). Néanmoins, il me paraît difficile d’y voir une référence aux textes d’Esaïe, entre autres parce que ces textes comportent des impératifs au pluriel. Il y a un autre candidat, autrement plus prometteur. C’est un verset du prophète Sophonie :

Pousse des cris de joie, fille Sion !
Proclame [ta joie], Israël !
Réjouis-toi, exulte de tout ton coeur, fille Jérusalem !
YHWH a écarté de toi les jugements,
il a détourné ton ennemi;
le roi d’Israël, YHWH, est en ton sein;
tu n’as plus de malheur à craindre.
En ce jour-là, on dira à Jérusalem :
N’aie pas peur, Sion,
ne perds pas courage !
En ton sein, YHWH, ton Dieu, est un héros sauveur;
il fera de toi sa plus grande joie ;
il gardera le silence dans son amour;
il poussera des cris d’allégresse à ton sujet.
(So 3.14-17)

Et là, la boucle se boucle. Sophonie lui aussi exhorte Sion à la joie, avec pratiquement les mêmes termes que Zacharie, mais en élargissant Jérusalem à Israël. L’association est toute naturelle. En fondant les citations de Zacharie et de Sophonie, Jean introduit peut-être un peu de sa « haute christologie », car l’association des textes suggère que Jésus est personne d’autre que … YHWH. Le texte de Sophonie clarifie aussi de quoi il ne faut pas avoir peur : de Dieu qui vient en tant que juge. Et c’est bien vrai que la mission que s’apprête à accomplir Jésus est justement là : écarter le jugement de son peuple, et détourner l’ennemi.

PS : J’ai failli louper la référence à Sophonie, car dans la traduction de la Septante, l’exhortation « N’aie pas peur, Sion » est absente. On y lit : En ce moment, Le Seigneur dira à Jérusalem : Aie courage, Sion ! Ne laisse pas tomber tes mains ! Le texte de Sophonie cité ci-dessus correspond à l’original hébraïque.

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