mardi 28 juillet 2009

Potters, well before Harry

Bien qu’aucun des grands personnages bibliques ne semble avoir été un potier, il est beaucoup question de ce métier dans les Ecritures. Je me suis amusé à rassembler les différents textes.

L’image du potier se trouve surtout chez Esaïe qui compare le peuple élu à l’argile et Dieu au potier qui le forme. L’image n’est pas sans rappeler le récit de la création (Gn 2.7). Dieu y apparaît donc avant tout comme le Créateur.

Pourtant, YHWH, tu es notre Père ;
nous sommes l’argile,
tu es notre potier (יצְרֵנוּ) :
nous sommes tous l’œuvre de tes mains. (Es 64.7)

Ailleurs, Esaïe donne une tonalité polémique à l’image. En effet, la déchéance que constitue la rébellion du peuple contre son Dieu peut être illustrée de manière frappante à l’aide de cette allégorie.

Quelle perversité que la vôtre !
Le potier (הַיּצֵר) doit-il être considéré comme l’argile,
pour que l’ouvrage dise de l’ouvrier :
Il ne m’a pas fait ?
– pour que le pot (וְיֵצֶר) dise de son potier (לְיוֹצְרוֹ) :
Il n’a pas d’intelligence ? (Es 29.16 ; cf. 45.9)

Dans un autre texte de la main d’Esaïe, l’image sert à souligner le peu de cas que le potier fait de l’argile qu’il forme :

Vous êtes moins que rien,
et votre action est moins connue que le néant ;
c’est une abomination que de vous choisir.
Je l’ai suscité du nord,
et il est venu. Depuis le levant,
il invoque mon nom ;
il piétine les dirigeants comme de la boue,
comme de l’argile que foule un potier (יוֹצֵר). (Es 41.24s)

Une idée semblable fait surface dans les Lamentations :

Les fils de Sion si précieux,
qui valaient leur pesant d’or fin,
– comment ! – on les considère comme des vases de terre,
œuvre des mains du potier (יוֹצֵר) ! (Lm 4.2)

Le peu de valeur de l’argile semble également présent dans l’image de la statue aux pieds d’argile chez Daniel :

Et comme tu as vu les pieds et les orteils en partie d’argile de potier (פֶחָר) et en partie de fer, ce royaume sera divisé ; mais il y aura en lui quelque chose de la force du fer, parce que tu as vu le fer mêlé à l’argile. (Dn 2.41)

Jérémie transpose l’image du potier d’Esaïe pour illustrer notamment la souveraineté de Dieu : comme le potier forme l’argile à son goût, de la même façon Dieu façonne la destinée des hommes.

Parole qui parvint à Jérémie de la part de YHWH : Descends chez le potier (הַיּוֹצֵר) ; là, je te ferai entendre mes paroles. Je descendis chez le potier ; il faisait un ouvrage sur le tour. La poterie qu’il faisait fut manquée, comme il arrive avec l’argile dans la main du potier. Il en refit une autre poterie, telle qu’il lui plut de la faire. Ne puis-je pas agir envers vous comme ce potier, maison d’Israël ? – déclaration de YHWH. Comme l’argile dans la main du potier, ainsi vous êtes dans ma main, maison d’Israël ! (Jr 18.1-6)

Cette pensée est reprise chez Paul :

Le potier (ὁ κεραμεὺς) n’a-t-il pas autorité sur l’argile, pour faire avec la même pâte un objet pour un usage noble et un objet pour un usage vil ? (Rm 9.21)

Enfin, chez Zacharie on trouve une citation qu’on aurait tendance, à la première lecture, à classer parmi les citations sans grand intérêt par rapport à notre petite étude (telles que Jr 19.1 : Ainsi parle YHWH : Va acheter une cruche chez un potier (יוֹצֵר), ….) :

je fis paître les bêtes de boucherie pour les marchands. Je pris deux bâtons : j’appelai l’un « Douceur », et j’appelai l’autre « Union ». Puis je fis paître les bêtes. Je fis disparaître les trois bergers en un seul mois; les moutons finirent par me faire perdre patience et, de leur côté, ils me prirent en dégoût. Alors je dis : « Je ne vous ferai plus paître ! Que celle qui doit mourir meure, que celle qui doit disparaître disparaisse, et que celles qui restent se dévorent les unes les autres ! » Je pris mon bâton « Douceur » et je le brisai, pour rompre l’alliance que j’avais conclue avec tous les peuples. Elle fut rompue ce jour-là ; ainsi les marchands qui m’observaient surent que c’était la parole de YHWH. Je leur dis : « Si bon vous semble, donnez-moi mon salaire; sinon, ne le faites pas. Ils pesèrent pour mon salaire trente pièces d’argent. » YHWH me dit : « Verse-le au potier, ce prix magnifique auquel ils m’ont apprécié ! » Je pris les trente pièces d’argent et je les jetai au potier (הַיּוֹצֵר), dans la maison de YHWH. (Za 11.7-13)

Or cette citation n’est pas si innocente que cela, car elle trouve son écho dans le récit de la trahison de Judas chez Matthieu :

Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens, en disant : « J’ai péché, en livrant le sang innocent. » Ils répondirent : « Que nous importe ? C’est ton affaire. » Judas jeta les pièces d’argent dans le sanctuaire et s’éloigna pour aller se pendre. Les grands prêtres ramassèrent les pièces et dirent : « Il n’est pas permis de les remettre dans le korbanas, puisque c’est le prix du sang. » Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cet argent le champ du potier, pour y ensevelir les étrangers. C’est pourquoi ce champ a été appelé champ du sang, jusqu’à ce jour. Alors s’accomplit ce qui avait été dit par l’entremise du prophète Jérémie : Ils ont pris les trente pièces d’argent, le prix attribué par les Israélites à celui qu’ils ont apprécié, et ils les ont données pour le champ du potier (τοῦ κεραμέως), comme le Seigneur me l’avait ordonné. (Mt 27.3-10)

Mais cette histoire est suffisamment truffée de mystères pour que nous y revenions une autre fois.

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