lundi 7 septembre 2009

Vie intérieure d'un homme éprouvé

Dans mon précédent billet, j’ai essayé de souligner à quel point Abraham se distingue de ses contemporains qui pratiquaient les sacrifices humains, même si, pour un observateur extérieur, le « sacrifice » d’Isaac pouvait faire penser le contraire.

Une des particularités du récit de Genèse 22, c’est l’absence totale de références à l’état intérieur dans lequel se trouvait Abraham avant le dénouement heureux de son épreuve. On a du mal à imaginer la tension intérieure et la souffrance que devait subir le patriarche.

Dans mes lectures, je suis tombé sur une contribution d’A. Guigui à un colloque de l’Institutum Iudaicum de l’UCL en 1977. Dans ce texte, l’auteur fournit une traduction en langue française d’une partie du Midrach Tanhuma 22. Je ne résiste pas à la tentation de citer ce passage dans lequel le rédacteur contemple la vie intérieure d’Abraham pendant la préparation du sacrifice.

« Il se leva et il alla. » Le Satan le précéda sur le chemin et lui apparut sous la forme d’un vieillard. Celui-ci demanda : « Où vas-tu ? »

Abraham répondit : « Je vais prier. »

« Si tu vas seulement prier, qu’as-tu besoin de ce feu et de ce couteau que tu emportes ? »

« Peut-être m’attarderai-je un jour ou deux : aussi ai-je emporté ce qu’il faut pour tuer un animal que je pourrai cuire et manger. »

« Je sais que Dieu t’a demandé de prendre ton fils. As-tu perdu la tête ? Tu voudrais tuer ce fils qui t’a été donné alors que tu étais déjà centenaire ! … »

« Oui, puisque c’est Dieu qui me le demande. »

« Et s’il te proposait une épreuve plus grave encore, pourrais-tu la surmonter ? »

« Oui, certes. »

« Peut-être Dieu t’accusera-t-il demain d’être un assassin, puisque tu as tué ton fils ? »

« Soit … »

Quand Satan eut compris qu’il ne pouvait convaincre ni Abraham, ni Isaac par des paroles, il prit la forme d’un grand fleuve sur le parcours. Abraham, sans hésiter, entra dans l’eau. Quand il eut jusqu’au genou, il s’arrêta et demanda à sa troupe de le suivre. Quand ils furent arrivés à la moitié du fleuve et qu’ils eurent à peine pied, Abraham s’arrêta, leva les yeux vers le ciel et pria : « Maître du monde, Tu m’as choisi, Tu T’es révélé à moi, Tu m’as dit … « Sacrifie Isaac ton fils en holocauste ». Sans tarder, je me suis mis en devoir d’accomplir Tes prescriptions. Or voici que les eaux menacent de m’engloutir. Si l’un d’entre nous, Isaac ou moi, se noyait, qui accomplirait ta volonté ? Qui ferait connaître Ton Nom dans l’Univers ? »

Et Dieu répondit : « Par ta vie, c’est par toi que l’unité de Mon Nom se réalisera dans le monde. »

Et aussitôt Dieu assécha le fleuve et ils se tinrent à pieds secs.

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