lundi 7 septembre 2009

Abraham ou l'épreuve ultime

Si l’on me demandait où culmine l’histoire du salut sous l’ancienne alliance, je dirais sans hésitation que c’est dans le récit du sacrifice d’Isaac, qui nous est raconté au chapitre 22 de la Genèse. Il faut aller à Golgotha pour trouver un instant plus dramatique et plus lourd de conséquences.

1 Après cela, Dieu mit Abraham à l’épreuve; il lui dit : « Abraham ! » Il répondit : « Je suis là ! » 2 Dieu dit : « Prends ton fils, je te prie, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en au pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai. » 3 Abraham se leva de bon matin, sella son âne et prit avec lui deux serviteurs et Isaac, son fils. Il fendit du bois pour l’holocauste et se mit en route pour le lieu que Dieu lui avait indiqué. 4 Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin. 5 Abraham dit à ses serviteurs : « Vous, restez ici avec l’âne; moi et le garçon, nous irons là-haut pour nous prosterner, puis nous reviendrons vers vous. » 6 Abraham prit le bois pour l’holocauste et le chargea sur Isaac, son fils, et il prit lui-même le feu et le couteau. Puis ils continuèrent à marcher ensemble, tous les deux. 7 Alors Isaac dit à Abraham, son père : « Père ! » Il répondit : « Oui, mon fils ? » Isaac reprit : « Le feu et le bois sont là, mais où est l’animal pour l’holocauste ? » 8 Abraham répondit : « Que Dieu voie lui-même quel animal il aura pour holocauste, mon fils ! » Et ils continuèrent à marcher ensemble, tous les deux. 9 Lorsqu’ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait indiqué, Abraham y bâtit l’autel et disposa le bois. Il ligota Isaac, son fils, et le mit sur l’autel, par-dessus le bois. 10 Puis Abraham tendit la main et prit le couteau pour immoler son fils. 11 Alors le messager de YHWH l’appela depuis le ciel, en disant : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Je suis là ! » 12 Il dit : « Ne porte pas la main sur le garçon et ne lui fais rien : je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique. » 13 Abraham leva les yeux et vit par-derrière un bélier retenu par les cornes dans un buisson; alors Abraham alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils. (Gn 22.1-13)

Ce récit m’a longtemps tourmenté. Ce qui est perturbant, c’est que finalement, Abraham se comporte de manière assez semblable aux idolâtres qui pratiquaient des sacrifices humains pour plaire à leurs divinités. Or ces pratiques furent condamnées on ne peut plus sévèrement par Dieu. Peut-on louer Abraham et condamner les païens, juste parce qu’Abraham sert « par hasard » le vrai Dieu et que les autres sacrifient à des « néants » ? On ne saurait dédouaner Abraham en se disant que finalement, il n’est pas passé à l’acte, car il y était certainement prêt.

Mais à la réflexion, la démarche d’Abraham est assez différente de celle des païens pratiquant des sacrifices humains. Abraham se distingue des idolâtres en ce qu’il n’accomplit pas son acte pour obtenir quelque chose en échange, tout au contraire : il risque de perdre tout ce qu’il a déjà obtenu – son fils, sa descendance.

Mais avant tout, la différence se situe dans la relation qu’Abraham a avec son Dieu, et en particulier dans la promesse que Dieu avait faite à Abraham. Abraham a tout un vécu avec son Dieu. Le fils qu’il est prêt à sacrifier, c’est le fils de la promesse de Dieu (Gn 17.19). Abraham a cru en cette promesse, et Dieu lui a offert Isaac. La foi du patriarche en a été fortifiée. Abraham croit que la promesse de Dieu tiendra, quoi qu’il arrive. Lorsqu’il reçoit l’ordre déchirant de Dieu, Abraham répond sans hésitation apparente, parce qu’il est convaincu que Dieu fera le nécessaire pour honorer sa promesse. La démarche d’Abraham est une démarche de foi.

L’auteur de l’épître aux Hébreux a parfaitement saisi cela : C’est par la foi qu’Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac. C’est son fils unique qu’il offrait, lui qui avait accueilli les promesses et à qui il avait été dit : C’est par Isaac que tu auras ce qui sera appelé ta descendance. Il estimait que Dieu avait même le pouvoir de réveiller un mort. C’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une parabole. (Hb 11.17-19)

Abraham a pu sacrifier Isaac parce qu’il savait que Dieu honorerait sa promesse, quitte à ressusciter un mort.

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