samedi 15 août 2009

La pomme dans la Bible

Dans un récent billet, je me suis penché sur le fruit consommé par Eve et par Adam malgré l’interdiction formelle de Dieu. Nous avons vu que, contrairement à l’imagerie populaire, les textes ne suggèrent pas qu’il s’agissait d’une pomme, et que bien d’autres fruits ont été proposés.

En travaillant sur cette question, je me suis penché sur les textes bibliques évoquant la pomme (תַּפּוּחַ ; cf. l’arabe تُفَّاح). A vrai dire, il n’y en a pas beaucoup et les rares textes se trouvent presque tous dans les « écrits » (כְּתוּבִים). Le NT ne mentionne jamais les pommes.

Il convient d’ailleurs de signaler une difficulté : on n’est pas certain de l’identification de תַּפּוּחַ. Il se peut que la pomme n’était pas encore connue en Israël aux temps bibliques et que le terme désigne un autre fruit. Plusieurs auteurs pensent que תַּפּוּחַ pourrait désigner le coing ou l’abricot. Il faut aussi savoir que le mot תַּפּוּחַ désigne à la fois le fruit et l’arbre qui le porte.

Le seul texte dans les prophètes mentionne justement le pommier, dans une énumération d’arbres en difficulté :

La vigne est épuisée,
le figuier dépérit ;
le grenadier, comme le palmier et le pommier (וְתַפּוּחַ),
tous les arbres des champs sont secs ...
La gaieté est tarie pour les humains. (Jl 1.12)

La pomme apparaît une fois dans les Proverbes :

Des pommes d’or sur des ciselures d’argent /
telle est une parole dite à propos. (Pr 25.11)

L’image ne coule pas de source pour un lecteur moderne. Elle semble se référer à une œuvre d’art, peut-être un bijou. Les ciselures d’argent sont belles en elles-mêmes, mais quand on ajoute des « pommes » d’or, l’ensemble est encore embelli. Une parole dite à propos a le même effet : elle augmente la valeur du discours. Delitzsch pense que l’image vise plutôt des oranges (« pommes d’or ») dans des récipients d’argent : selon cette interprétation, le proverbe exprime simplement le fait qu’une parole dite à propos suscite le même plaisir que le fait de contempler ces beaux fruits dans leur récipient exquis.

Mais c’est surtout dans le Cantique des cantiques qu’on parle de pommes.

Comme un pommier (כְתַפּוּחַ) parmi les arbres de la forêt,
tel est mon bien-aimé entre les jeunes gens.
A son ombre, j’ai désiré m’asseoir,
et son fruit est doux à mon palais.
[…] Soutenez-moi avec des gâteaux de raisins,
rafraîchissez-moi avec des pommes (בַּתַּפּוּחִים) ;
car je suis malade d’amour. (Ct 2.3,5)

Le pommier se distingue par la qualité de son ombre et par la douceur de ses fruits. Leur consommation est particulièrement rafraichissante. Un autre texte vante indirectement l’odeur des pommes :

J’ai dit : Je vais monter au palmier,
j’en saisirai les fruits !
Que tes seins soient comme des grappes de raisin,
la senteur de ton souffle comme celle des pommes (כַּתַּפּוּחִים) … (Ct 7.9)

La dernière citation dans le Cantique est aussi la plus énigmatique :

Qui est celle qui monte du désert,
appuyée sur son bien-aimé ?
Je t’ai éveillé sous le pommier (הַתַּפּוּחַ) ;
là même où ta mère t’a conçu,
là où t’a conçu celle qui t’a mis au monde. (Ct 8.5)

C’est un texte qui a beaucoup excité les commentateurs. Son interprétation est intimement liée à celle du livre dans son ensemble. Nous ne pouvons pas approfondir dans ce cadre, mais il est bien possible que l’ombre du pommier permettait des rendez-vous galants …

NB : Les lecteurs de certaines traductions bibliques auront l’impression que les textes d’Exode 25 et 37 parlent également de pommes. Ce terme traduit alors le mot כַּפְתּוֹר dont Reymond dit simplement qu’il s’agit du « nom d’une des décorations du chandelier à sept branches ». Le vieux dictionnaire de Sander et Trenel est un peu plus précis : « un ornement au chandelier dans le Temple en forme de pommes ou petites sphères ». J’ignore sur quelles bases s’appuie cette interprétation – peut-être des sources talmudiques ? En tout cas, en hébreu moderne, ce mot signifie « bourgeon » ou « bouton ».

PS : Un voyage à Belfast m’éloigne de ma bibliothèque. Ce blog prend donc quinze jours de vacances. Portez-vous bien.

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