dimanche 29 mars 2009

Le mystère des tablettes de pierre (première partie)


Dans un précédent billet, nous avons vu Moïse et les anciens d’Israël se préparer pour la rencontre avec Dieu au Sinaï. Dieu invite Moïse à une rencontre au sommet :

YHWH dit à Moïse : Monte vers moi, dans la montagne, et reste là; je te donnerai des tablettes de pierre, la loi et le commandement que j’ai écrits pour les instruire. (Ex 24.12)

Les tablettes de pierre … C’est sur elles que mon regard s’est arrêté. En fait, il y en a eu deux éditions. Le premier jeu semble avoir été produit par Dieu lui-même :

Lorsque [Dieu] eut achevé de parler à Moïse, au mont Sinaï, il lui donna les deux tablettes du Témoignage, les tablettes de pierre écrites du doigt de Dieu. (Ex 31.18 ; cf. Dt 9.9-11)

Moïse redescendit de la montagne, les deux tablettes du Témoignage à la main; les tablettes étaient écrites des deux côtés, elles étaient écrites de part et d’autre. Les tablettes étaient l’ouvrage de Dieu ; l’écriture était l’écriture de Dieu, gravée sur les tablettes. (Ex 32.15-16)

L’écriture de Dieu, des lettres écrites du doigt de Dieu … C’est un objet hors normes, du jamais vu dans l’histoire de l’humanité. Il n’empêche, quand il aperçoit le taurillon d’or (voir mon billet précédent à ce sujet), Moïse est hors de lui et n’hésite pas à fracasser les tablettes.

Comme il approchait du camp, il vit le taurillon et les danses. Alors Moïse se mit en colère; il jeta les tablettes et les brisa au pied de la montagne. (Ex 32.19 ; cf. Dt 9.15-17)

L’histoire ne s’arrête pas là. Il y aura un deuxième jeu de tablettes, mais avec quelques changements significatifs. Tout d’abord, ce sera à Moïse de fabriquer les tablettes.

YHWH dit à Moïse : Taille deux tablettes de pierre comme les premières; j’écrirai sur ces tablettes les paroles qui étaient sur les premières tablettes que tu as brisées. (Ex 34.1)

Rachi amplifie : « Toi, tu as brisé les premières, maintenant c’est à toi de t’en tailler. » Moïse s’exécute (Ex 34.4), puis il monte de nouveau au Sinaï.

Moïse resta là, avec YHWH, quarante jours et quarante nuits. Il ne mangea rien, il ne but rien ; il écrivit sur les tablettes les paroles de l’alliance, les Dix paroles. Moïse descendit du mont Sinaï : les deux tablettes du Témoignage étaient dans la main de Moïse lorsqu’il descendit de la montagne ; Moïse ne savait pas que la peau de son visage s’était mise à rayonner lorsqu’il avait parlé avec lui. (Ex 34.28-29)

Comme c’est sans doute Moïse (et non pas YHWH) qui s’abstient de manger et de boire, on peut penser que le sujet du verbe écrivit est aussi Moïse. Ce serait donc Moïse qui écrit ce deuxième jeu de tablettes, et non pas le doigt de Dieu. Il y a cependant un texte qui remet en cause cette conclusion :

En ce temps-là, YHWH m’a dit : Taille deux tablettes de pierre comme les premières et monte vers moi dans la montagne; tu feras aussi un coffre en bois. J’écrirai sur ces tablettes les paroles qui étaient sur les premières tablettes que tu as brisées, et tu les mettras dans le Coffre. J’ai fait un coffre en bois d’acacia, j’ai taillé deux tablettes de pierre comme les premières et je suis monté dans la montagne, les deux tablettes dans ma main. YHWH a écrit sur les tablettes ce qui avait été écrit sur les premières, les dix paroles qu’il vous avait dites dans la montagne, du milieu du feu, au jour de l’assemblée ; et YHWH me les a données. Je suis redescendu de la montagne, j’ai mis les tablettes dans le coffre que j’avais fait, et elles sont restées là, comme YHWH me l’avait ordonné. (Dt 10.1-5)

Alors qui a fait l’inscription sur le deuxième jeu de tablettes ? Moïse ou Dieu ? La clarté du texte du Deutéronome me fait pencher vers la deuxième alternative. Somme toute, il n’est pas tout à fait exclu que le sujet du verbe écrivit dans Ex 34.28 soit Dieu.

Mais une différence de taille (c’est le cas de le dire !) subsiste : C’est Moïse qui est à l’origine des tables. Et du coup, ce deuxième départ sera un peu moins glorieux que le premier. Quelque chose s’est brisé, et cela dépasse les seules tablettes. Voilà une alliance qui manifeste sa fragilité, et ce, dès le départ.

PS : Le tableau de Rembrandt souffre d’un anachronisme. Au temps de Moïse, l’alphabet hébreu n’avait pas encore les lettres carrées qu’il a adoptées après l’exil.

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